Comment aider une personne suicidaire ?
Un problème de santé national
En France, le suicide a été reconnu comme un problème de santé publique au début des années 1990. Ainsi, aider une personne suicidaire devient un enjeu de santé national. Depuis reconnu comme une priorité, des études et des rapports ont été menés pour déboucher sur un programme national de prévention contre le suicide en 2000, puis un plan d’action national les années suivantes.
Suite à ces plans et aux modes d’action engagés, le taux de mortalité a fortement diminué, montrant l’efficacité des connaissances accumulées et des stratégies de prévention du suicide.
Plusieurs idées reçues sur le suicide
- Parler de son intention de se suicider est une manière d’attirer l’attention sur soi.
Evoquer son intention de mettre fin à ses jours reflète toujours une souffrance intense qui pourrait se transformer ou non en passage à l’acte. Dans le doute, il est nécessaire de partir du principe qu’il y a un risque suicidaire.
- Les personnes suicidaires ont une pathologie psychiatrique lourde
Toutes les personnes qui ont des idées suicidaires ne sont pas des personnes présentant une pathologie mentale.
- Lorsqu’on veut mourir, on ne peut pas se rater
Une tentative de suicide est un acte violent et un passage à l’acte grave à prendre très au sérieux. Après une tentative de suicide, le risque de répétition est réel.
- Le suicide est un choix
La souffrance et la vulnérabilité de la personne est telle que le passage à l’acte suicidaire est vu comme un moyen d’arrêter de souffrir. Ce n’est pas un acte rationnel.
- Il ne faut pas parler du suicide car cela pourrait inciter la personne
La parole est à la base de la prévention afin de ne pas laisser la personne seule avec sa souffrance, mais aussi de pouvoir dénouer une potentielle crise suicidaire.
- On ne peut pas prévoir si quelqu’un va se suicider ou non
La majorité des personnes ont consulté un médecin dans le mois précédent leur passage à l’acte. Les personnes font passer des messages que l’entourage ou les professionnels peuvent avoir du mal à interprêter dans le sens d’un danger.
Repérer les signes pour aider une personne suicidaire
Evocation de l'acte suicidaire
- Je n’arrive pas à m’en sortir, c’est trop dur
- Je crois que je vais faire une connerie
- Je vais me faire du mal
- Si seulement je n’avais pas peur de me rater…
Propos négatifs ou dévalorisants
- Je vais d’échec en échec
- Je ne sers à rien, je n’arrive à rien
- Je vois bien que je vous déçois tout le temps
- Ce sera beaucoup mieux pour tout le monde
Manifestations de mal-être
- Laisser aller quant à l’hygiène ou l’habillement
- Symptômes dépressifs, tristesse
- Troubles du sommeil
- Troubles de la mémoire ou de la concentration
- Fatigue inhabituelle
Changement de comportement
- Repli sur soi, difficulté à sortir à l’extérieur
- Comportement addictif (alcool, jeux, médicaments)
- Comportements à risque, mises en danger
- Brusque intérêt pour la mort et les armes
- Impulsivité ou agressivité inhabituelle
Comment agir pour aider une personne suicidaire ?
Reconnaitre les signes d'alerte
Comme nous l’avons vu, il est important de pouvoir repérer les signes qui montrent une détresse importante chez la personne. Il y a très souvent des éléments inquiétants ou inhabituels, qui peuvent parfois être difficiles à interprêter. Changement d’humeur, changement de comportement, isolement, parole inhabituellement dure envers soi-même. Ensembles, tous ces signes peuvent être caractéristiques d’un risque de passage à l’acte suicidaire. Ils doivent nous alerter et être pris au sérieux.
Ecouter et échanger
Le premier réflexe est de montrer de l’intérêt et de l’attention pour la personne en souffrance. En effet, il faut qu’elle puisse sentir que vous avez remarqué qu’elle est en détresse. Il s’agit de tendre la main, mais sans proposer de solutions concrètes pour aller mieux. Essayez de proposer une écoute attentive et authentique.
Souvent, nous sommes tentés de donner des conseils à une personne qui vit une difficulté, car nous n’aimons pas nous sentir impuissants face à la souffrance. Mais pour aider une personne suicidaire, elle a besoin d’être comprise et reconnue dans sa détresse. Afin qu’elle puisse sortir de son isolement et de ses idées noires qui peuvent être obsédantes.
Inutile de lui faire la morale ou de lui dire ce qu’elle devrait faire. En effet, une personne en grande souffrance se sent très isolée, pas besoin d’en rajouter ! Laissez lui du temps et essayez de l’écouter sans la juger.
« Je comprends que ce que tu vis est difficile, je suis présent pour toi » serait un bon résumé de ce qui pourrait être dit.
Ne pas hésiter à poser des questions sur le suicide
Bien que cela puisse nous faire peur, il ne faut pas hésiter à poser des questions directes. Par exemple, « ce que tu dis m’inquiètes, as tu déjà pensé au suicide ? ». Ou bien encore : « penses-tu à te faire du mal ? »
Ce genre de phrase, contrairement à ce que l’on peut croire, ne laisse pas penser à la personne que le suicide pourrait être une solution. Au contraire, si la personne pense au suicide, cela lui montre que sa souffrance peut être reconnue par quelqu’un d’autre et qu’elle n’est pas seule. Si cette personne ne pense pas au suicide, elle sera surprise et vous répondra non. Peut-être même s’offusquera-t-elle de la question. Quoi qu’il en soit, le plus important est avant tout d’être dans le dialogue et de préserver la sécurité de ce proche.
Y a t il un risque ? Et si oui, est ce une urgence ?
Et si la personne vous a confié penser au suicide ? Que faire ?
Il est nécessaire de pouvoir garder son calme. En effet, avoir pensé au suicide ne veut pas dire qu’il y a un danger immédiat. Nous sommes beaucoup à penser qu’il faut emmener immédiatement la personne à l’hôpital pour aider la personne suicidaire, mais la situation n’est pas forcément une urgence qui nécessiterait une hospitalisation.
En effet, les études montrent que penser au suicide ne signifie pas que le risque de danger est présent dans l’immédiat. Autrement dit, penser au suicide ne veut pas forcément dire que la personne va faire une tentative de suicide prochainement. Si l’on s’en sent capable, il est toutefois nécessaire de pouvoir évaluer le risque suicidaire. Sinon, n’hésitez pas à appeler le 15 ou le 31 14.
En effet, s’il y a une intention claire et envahissante de se donner la mort et / ou un plan d’action prévu dans les prochaines heures, alors le risque suicidaire est élevé et il faut agir tout de suite.
Si la personne répond oui à une de ces trois questions, il est nécessaire d’aller aux urgences, ou de contacter le 15 ou le 18. Restez avec la personne en permanence, car il y a un danger immédiat.
- Avez vous déjà pensé à la manière de vous suicider et avez vous l’intention de passer à l’acte ?
- Avez vous commencé ou fini un scénario détaillé sur la manière dont vous comptez vous suicider ? Avez vous l’intention de mettre ce scénario à exécution ?
- Avez vous fait ou commencé à faire quelque chose pour vous préparer à mourir ? par exemple acheté une arme à feu, rassemblé des médicaments ou rédigé une lettre de suicide
A nouveau écouter, et regarder devant soi
Dans le cas contraire, si la personne n’est pas en danger immédiat, il est important de pouvoir continuer à parler, pour garder le lien. Montrez par votre présence que cette personne est importante pour vous. Dans l’idéal, pouvoir faire entendre qu’elle a les capacités de trouver des ressources et de rebondir. Lorsque l’on a perdu espoir, entendre que tout n’est pas fini et que vous n’êtes pas seul peut être un réel soulagement.
Prévenir d'éventuelles crises futures
Aider une personne suicidaire c’est aussi penser à sa sécurité future. Dans la prévention du risque suicidaire, il est important que la personne puisse d’elle-même repérer lorsqu’elle se sent à risque. Dans ce cas, il s’agirait de pouvoir mettre en place un plan d’action pour agir efficacement et en toute sécurité. Souvent, il est conseillé d’écrire une liste d’instructions en cas de nouvelles pensées suicidaires, pour pouvoir s’y référer et agir en conséquence.
Cela peut se travailler lorsqu’on se sent bien et idéalement avec les personnes de confiance, ainsi qu’avec les professionnels de santé qui nous suivent – psychologue, médecin, famille, amis.
Prendre contact avec un professionnel de santé
Enfin, pour prévenir les crises, il est souvent nécessaire de consulter un professionnel formé et compétent sur le sujet. Une psychothérapie par la parole est souvent indiquée, associée parfois à un traitement médicamenteux.
La démarche peut être difficile car souvent elle fait peur, et il n’est pas toujours facile de trouver le bon professionnel qui nous convient. C’est néanmoins souvent très conseillé voire indispensable. L’objectif de la thérapie est de pouvoir apprendre à gérer ses humeurs et ses pensées suicidaires et ainsi diminuer le risque de rechute, qui n’est pas une fatalité.
Quelques outils pour aider une personne suicidaire
- Infosuicide.org : portail d’information très complet
- 31 14 : numéro d’appel national ouvert 24h/24, 7j/7
- Fil santé jeunes pour les 12-25 ans, écoute anonyme et gratuite au 0800 235 236
- SOS Suicide Phénix : écoute anonyme de toute personne confrontée à la problématique du suicide au 01 40 44 46 45